Bienvenue à bord des P’tits doudous !

Armel et moi sommes lancés à 20 nds de moyenne au large des côtes Portugaises. Grosso modo à la latitude de Lisbonne. La mer est calme, le vent pas très fort, entre 12 et 15 nds. C’est dingue comme nos jolies machines glissent ! On est souvent proches du double de la vitesse du vent… 


Pour la carte postale, il fait nuit, sous les nuages, je viens de lancer une charge batterie avec le moteur, après avoir découvert, puis englouti, une boîte de foie de morue sur une bonne tranche de pain de campagne qui dort normalement dans notre banette (oui je ne sais pas pourquoi mais c’est la place qu’on a trouvé, bien au sec à l’arrière du tunnel qu’est notre coque centrale.) Armel dort et moi je passe mon temps à peaufiner les paramètres du pilote automatique pour éviter les basses vitesses en fond de vagues. Je commence à l’avoir bien en main celui-là ! L’œil alterne entre les instruments (23nds de vitesse par 14,4nds de vent au 144deg du vent réel, cap au 207deg!), la carto pour voir comment notre descente plein sud se passe, si on est sur le bon bord, ce que nous donne les prévisions avec les routages à faire tourner, analyser, comparer… La veille visuelle pour repérer d’éventuels bateaux qui n’auraient pas l’AIS (quelle idée !!) et les infos de la cellule de routage qui fait un super boulot pour nous aider à réfléchir et prendre les bonnes décisions stratégiques . Ah et dans ma gamelle isotherme une purée lyophilisée finit de reprendre son eau. Mais je vais attendre d’avoir fini tout ce que j’ai à faire avant de l’engloutir. Je suis dans notre « niche » sous la casquette un peu protégé d’où on voit quand-même très bien ce qui se passe dehors. Je ne vous cache pas que l’entrée et la sortie dans la coque demande une réelle volonté avant d’être entrepris car c’est un exercice de contorsionniste à part entière.

Voilà pour la carte postale ! Je voulais écrire avant mais je n’ai juste pas eu le temps . Tout le temps libre est passé à dormir, de s’occuper de soi ou du bateau. Il faut dire que le départ a été émouvant, on en parlait avec Armel, c’est pas anodin en terme de charge émotionnelle… On est partis sur les chapeaux de roues et la première nuit a été engagée avec un passage dans les îles anglos normandes à plus de 30nds de vitesse face au courant, à quelques mètres des concurrents. Puis l’arrêt buffet devant le phare du Four où le moindre zéphyr a disparu, nous laissant là, hébété par un bateau poussé par le courant dans le sens contraire sans que le moindre souffle lui permette d’accéder à notre bonne volonté… Les 2 jours suivants étaient globalement du même acabit, des vents erratiques, désordonnés et imprévus. La dorsale nous a fait souffrir. Difficile de comprendre ce qui se passe réellement quand toutes les informations divergent. On s’en est sortis tant bien que mal avant de réussir à plonger plein sud vers Finistère. La porte de l’Atlantique, la fin du chemin de croix Gascognien. Et le renforcement du vent a eu lieu ! Toujours à cet endroit le vent est accéléré par le relief de la péninsule, on a été servis ! Il a fallu empanner plusieurs fois, manœuvrer, rester attentif et lucide, dans une zone de trafic, de nuit et avec un binôme fatigué, j’ai essayé de dormir entre les gybes, dans la descente prêt à bondir, je me souviens avoir vu à ce moment des feux d’artifices rouges tournoyer dans ma rétine… Endormi ! Clairement pas très lucide, la nuit a été difficile et on a pu dormir aujourd’hui, enfin, pendant la journée. J’ai aussi barré 3h on en a profité pour prendre quelques mètres 
aux concurrents, qui nous les reprennent dès que l’opportunité leur est donnée. 


Tiens, un nouveau « pos report », qui nous permet chaque heure de découvrir la position de chaque duo. On est les plus rapides de notre groupe, avec 19,6mn de couvert dans la dernière heure. Ça c’est bien ! Le croissant de lune a fait une brève apparition entre deux nuages, notre bateau file au sud, et moi je vais attaquer ma purée avant de passer le flambeau à mon cher Armel, quand il se sera réveillé ou que mon niveau d’énergie sera assez bas pour me faire remplacer ! 

Du bord du trimaran « Les P’tits Doudous », avec deux skippers heureux d’être en mer sur cette belle Transat Jacques Vabre si désirée !!