Après une saison en trimaran de 50 pieds (Ocean Fifty), le skipper Benoit Marie est actuellement en Italie avec son Moth à foil, le dériveur le plus rapide du monde, support d’entraînement convoité par les plus grands marins de la Coupe de l’América et des Jeux Olympiques.

Le Mondial de la série commence aujourd’hui sur le lac de Garde jusqu’au 7 septembre. Benoit s’apprête à s’aligner sur ce championnat avec un nouveau prototype fraichement sorti de chantier. 

En parallèle de ses navigations en Ocean Fifty (ex-Multi 50), Benoit a tenu à continuer ses développements sur le Moth : sa soif de développement l’a poussé à poursuivre ses recherches d’ingénieur pour dessiner et construire LE Moth optimisé selon lui pour performer. 

Ce bateau représente la concrétisation de 7 années d’expériences. Avec son design très marqué et ses innovations du bord, ce Moth Volotea attire l’attention de l’élite de la classe depuis sa présentation au lac de Garde cette semaine !

L’objectif de Benoit va être de rentrer une – ou plusieurs – belles places pour valider que ce bateau a de l’avenir, mais c’est bien une démarche d’ingénieur qui prend le dessus pour faire bouger les lignes et penser la voile volante de demain.

Benoit part avec la ferme envie de faire de son mieux sur l’eau : « Difficile de prétendre aux meilleures places compte-tenu de la récente sortie de chantier de mon bateau mais après cette année sur 3 coques et ses difficultés (démâtage en Ocean Fifty), je souhaite vraiment prendre du plaisir et continuer la fiabilisation de mon Moth. Il a des phases super rapides sur l’eau, mon objectif sur ce championnat va être de valider ces phases éphémères dans la constance ».

Genèse du projet avant le top départ !

« Tout a commencé en 2014 au championnat du monde de Moth en Angleterre. Nous imaginions avec mes amis « mothards » ce que serait le Moth à foil de demain ? Les grandes lignes c’était de faire une voile scellée sur le pont pour créer un effet de plaque. De mon côté j’ai développé le gréement en essayant une multitude de manières de le sceller au bateau. Des bords d’attaque et carénages en dur, des toiles tendues, des « decksweepers » qui se relevaient avec une porte pour virer… J’ai essayé pleins de choses pour finalement développer la fameuse bôme en Z qui m’a tant apporté en terme de performances. 

En 2016 avec mon ami Tony nous avons fait le constat que le Moth « Exocet »  était un gros cran au-dessus du « Mach 2 » que nous avions alors. Mais 3 à 4 ans de liste d’attente n’était pas pour nous réjouir. Alors nous avons commencé à concevoir le moth de nos rêves, où tout serait intégré, plateforme et gréement… 

Mais dans la foulée j’ai fais l’acquisition de mon Exocet que j’ai gardé jusqu’à maintenant, et sur lequel j’ai posé cette fameuse bôme en Z. Pas forcément belle d’aspect mais oh combien efficace ! Et fin 2019, mon bateau commandé en 2016 finit par arriver… 

Mais comme je ne suis pas du genre à me contenter de naviguer sur un bateau de série, j’ai entrepris des études numériques pour quantifier les gains de profiler les échelles. Les résultats étant équivoques, il me semblait évident que ce nouveau bateau devait être « full custom ». 

Un tel chantier en revanche ne se confie pas à n’importe qui. Il fallait quelqu’un de compétent, débrouillard, sachant interpréter mes plans pour construire léger, raide, solide et durable, à des couts raisonnables et sans avoir des plans d’architectes, tout en respectant la confidentialité et l’esprit du projet avec une grosse motivation pour aller au bout d’un projet qui semblait simple mis qui, je le savais, ne l’était pas. 

C’est Milan Kolacek de Sea Concept, avec qui je faisais du Mini en 2012, qui répondait le mieux au cahier des charges. Je lui ai donc livré la coque neuve reçue du chantier 1 an plus tôt le 11 Avril 2021, à La Rochelle. 

Entre temps j’avais avancé sur la 3D et le moule était commencé en République Tcheque dans son chantier. 3 mois plus tard et après avoir passé un paquet d’heures en visio à gérer le chantier, optimiser structure, forme et méthodes de fabrication avec lui et avec l’aide si précieuse de Johan Boutserin à la structure et mon fidèle Anthony Rezzoug sur les méthodes, je prenais possession de « la boite » de carbone finie, sur une aire d’autoroute autrichienne, au cours d’un retour du lac de Garde. La suite c’est encore beaucoup d’heures à monter le plan de pont, matelotage, systèmes, à vérifier l’étanchéité, à améliorer le gréement, et à tout optimiser. 

Et, enfin, le 12 août dernier, à l’Ecole Nationale de Voile de Quiberon, et après quelques centaines – voire milliers – d’heures de travail à imaginer, calculer, concevoir, dessiner en 3D, tester les intéractions entre les différentes pièces, faire des pièces pour essayer les nouvelles géométries sur l’ancien bateau pour valider l’ergonomie et limiter les prises de risque, checker les futures performances en CFD, analyser les écoulements, reprendre la 3D, imaginer la méthode de fabrication, re-modifier la 3D en conséquence, re-tester, calculer et optimiser la structure, passer les cordages en virtuel pour s’assurer que ça fonctionnera sans interaction puis enfin lancer et suivre la fabrication, accastiller et mateloter le plan de pont… La magie opéra !

Le premier décollage fut un moment émouvant, de voir son bébé (parce qu’il y a un peu de cela…) décoller pour la première fois, et entrapercevoir son potentiel, m’a apporté une immense satisfaction. Première sortie première casse cependant, j’avais un doute sur l’accroche des sangles de rappel et sur celui du piano. La première a cédé direct, alors j’ai posé quelques plis de carbone pour enlever le doute sur ces deux endroits, et depuis la structure semble super saine. Une vraie satisfaction, surtout quand on sait que le bateau est sorti plus léger que mon devis de poids (une fois n’est pas coutume !). Seconde navigation avec mes camarades français je commence à voir des gains en performance assez important même si tout ne fonctionne pas encore, n’ayant pas eu le temps de monter tous les systèmes… La troisième le vent souffle à un petit 20 noeuds, je claque un 30,9 noeuds de vitesse de pointe, ça sent quand-même le bateau bien né ! Depuis chaque jour la job list se réduit et je suis heureux de prendre le départ aujourd’hui du Mondial en Italie.

Ce bateau est donc le fruit de 7 années de réflexions. Pensé pour optimiser les flux aéro et limiter la traînée de l’air qui représente les 2/3 de ce qui freine le bateau. Ce bateau devrait présenter moins de traînée et plus de puissance. Tous les cordages et systèmes sont cachés à l’intérieur du bateau, la voile descendue au maximum et les échelles au max de ce qui peut géométriquement fonctionner.

Je suis au lac de Garde où je m’entraine depuis déjà une dizaine de jours pour affiner les réglages et enchainer les speed tests. Aujourd’hui je m’aligne sur le championnat du Monde de la série, avec cette fois-ci une approche d’ingénieur et l’envie de faire une – ou plusieurs – jolies places pour montrer le potentiel de mon bateau pensé sur-mesure ! 

J’ai vraiment hâte mais c’est déjà une belle victoire d’être là ! Il faut réapprendre à naviguer car le bateau est assez différent en sensation et utilisation vu qu’il navigue plus vite, plus contre-gité. Retrouver mon aisance, et performer autant que possible sur le Mondial qui est une formidable occasion de naviguer face aux meilleurs.

L’ambition de jouer aux avant-postes reste bien l’objectif à long terme mais ce Mondial va être avant tout une belle occasion de prendre mon bateau en main pour retrouver l’aisance que j’avais avec mon Exocet. J’ai opté pour une année passionnante en multicoque et je n’ai eu que 6 sorties en Moth en Bretagne, avec l’aide incroyable de Jean Truffier qui est venu accélérer la mise au point les derniers jours. Mais on a abattu un travail colossal jours et nuits et le résultat est fantastique, de mon point de vue ! L’objectif de ce championnat est de valider les options architecturales et définir les axes de travail pour la suite, pour poursuivre avec ma double casquette de navigateur-ingénieur avide de vitesse et de performances !

Donc merci Jean, Milan (Sea Concept), MaguireBoats, Kevin Ellway et le Bureau Veritas Group / Hydrocean HO pour les calculs CFD, Johan Boutserin pour la structure, Antony Rezzoug, Quentin et Foil n Co pour la jolie bôme, Marton pour la magnifique 1D – One Design Sails, Jean-Christophe Mathelin de Atypic3D pour les impressions 3D, Elliot, Côme et tous ceux qui m’ont aidé en chemin. 

Là aussi, ça part de là, mais quelle belle réalisation, je suis hyper fier et heureux ! Hâte de m’aligner contre les médaillés olympiques et de tester mon prototype pour voir où il en est niveau performance… »

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