Voici une quinzaine de jours que nous avons touché terre, et j’ai à coeur de vous faire un petit débriefing de cette superbe expérience qu’a été « The Bridge », avant de continuer sur la suite… 
Commençons par la fin : Quel plaisir, quel bonheur de franchir la ligne d’arrivée en tête de la course, aux côtés de François Gabart et de son équipage et devant des monstres de la course au large que sont Messieurs Coville, Joyon et Le Blevec. Quelle joie de se taper dans la main avec mes camarades de traversée, qui sont tous différents, mais sacrément top. On a passé un moment assez exceptionnel tous les 6, beaucoup de compétences, évidemment, beaucoup de respect et de bienveillance aussi. J’ai adoré traverser cet océan Atlantique Nord en équipage. C’est génial de partager son quart avec d’autres personnes, de regarder les différentes options météo avec François, d’échanger sur les réglages du bateau avec Pascal, de scier le tube qui grinçait dans le cockpit avec Antoine, de ferler l’immense voile d’avant dans son sac en plein déluge avec Guillaume et de se faire réveiller par la douce voix de Yann ! C’est quand même moins stressant de savoir que les gars en haut gèrent le bateau pendant que l’on dort en bas… Bon d’accord quand ça va a plus de 35 noeuds la coque centrale hors de l’eau c’est quand même assez impressionnant là-dedans. Il fait tout noir dans le « PDD », le fameux puit de dérive où nous dormions sur nos sacs à billes « super confort », et à fond les ballons, ça secoue, ça rugit, ça devient silencieux quand la coque sort de l’eau, la dérive siffle doucement, les winchs font des déflagrations quand on choque les écoutes avec 6 tonnes de tension… Je me faisais la réflexion que ça ressemblait étrangement aux bruits et mouvements que pourrait faire le métro lancé à fond dans son tunnel les portes ouvertes (et sans l’éclairage)… Il faut se cramponner et éviter les coins agressifs qui peuvent nous blesser ! Mais avec les protections de Forward WIP, ça fait beaucoup moins mal les chocs ! ;p 
J’ai adoré les heures de barre, parfois dans la douceur, à garder le bateau en équilibre au-dessus de l’eau dans un vent stable, mer plate et sous la grande lune ; parfois rock-n-roll dans les vagues courtes du coup de vent de la veille de l’arrivée où les vagues éclataient pour nous passer dessus. Un des équipiers qui tourne les manivelles pour régler le bateau : « Un peu plus de chariot, un peu moins d’écoute, et si on ajoutait un peu d’incidence au foil ? » Pas mal de discussions, d’essais, de retours de sensations partagés en équipe. 
Le trimaran MACIF est un bateau magique, sécurisant, bien né. On a le temps de réfléchir à comment il se comporte, et comment l’améliorer, le faire voler de manière durable, plus rapidement. Comme nous avons presque tout fait au près, nous avons dû passer de système en système et, ce qui est assez dingo, c’est que les performances du bateau nous permettent de choisir quelle météo nous voulons, en quelque sorte. Il est assez facile de choisir sa position de passage d’une dorsale anticyclonique où la pétole sévit et le bateau s’arrête. François a passé le plus clair de sa traversée à faire des routages, à se creuser la tête sur la météo, et le voir à l’oeuvre a été hyper instructif. C’est vraiment un jeu d’échec géant avec des formules Un des mers ! Nos concurrents nous ont parfois surpris mais c’était super passionnant. Au final, les 11 heures 30 minutes d’écart avec le second – IDEC Sport – ne représentent pas bien l’intensité de la bataille pendant la traversée. Car dans les faits, l’écart avec eux a longtemps été de moins de 50 milles, ce qui représente moins d’une heure et demi lancé à plus de 35 noeuds… Une broutille quand on sait que le premier qui sort de la pétole (dont les prévisions ne sont pas toujours fiables) va partir à 30 noeuds quand les autres resterons collés à 3 noeuds jusqu’à ce qu’ils touchent du vent… Et c’est ce qui s’est passé sur le dernier passage de dorsale, où nous nous sommes envolés vers la victoire à New York ! 
Mais 8 jours pour traverser l’Atlantique, c’est quand même pas mal, surtout au près… Arriver sous le pont de Verrazano, devant la statue de la Liberté et longer Manhattan, avec ces dizaines de bateaux, d’hélicoptère et de gratte-ciels, ça avait l’air d’une hallucination après ces 8 jours à traverser la grande bleue ! Ca avait de la gueule, même si l’énorme paquebot est arrivé avant nous ! 
J’ai été étonné par la quantité de vie que l’on a croisé sur cette route Nord. Oiseaux, poissons, mammifères nageants dans les eaux tour à tour chaudes du Gulf Stream et glaciales du Labrador. J’ai été impressionné par la différence entre ces deux systèmes, tropical pour l’un et polaire pour l’autre. Du coup ça fait des gros bancs de brumes épais qui mouillent les lunettes, et qui ont des effets assez impressionnants sur le vent : à deux reprises des bascules immédiates de 100 degrés du vent, le bateau qui prend à contre, le flotteur sous le vent qui sort de l’eau… Le bateau qui part en marche arrière et le bazar pour se remettre en route ! La nuit à la barre, croyez-moi ça fait bizarre quand on n’est pas prévenu ! 
Et on ne peut passer sous silence le formidable travail de l’équipe technique qui nous a mis entre les mains un bateau préparé aux petits oignons, dans la bonne humeur de cette super team. Je suis très fier de faire partie de la famille et j’ai hâte de les retrouver pour la suite des aventures ! François va s’attaquer au record du tour du monde en solitaire cet hiver… Sacré challenge, j’espère pouvoir l’aider dans sa préparation à sa conquête en donnant des pistes d’amélioration du bateau. 
En tout cas j’ai la chance de remporter une nouvelle victoire sur ma seconde traversée de l’Atlantique, quel bonheur !! Espérons que ça continue de la sorte ! J’ai hâte de remettre ça, c’était vraiment le pied ! 
Merci François, merci les gars, merci MACIF !!! 
Benoit

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